Théâtre de guerres virtuelles, scènes de guerre réelles

Le suspense a pris fin. Vendredi 10 octobre, le prix Nobel de la paix 2025 a été décerné à l’opposante María Corina Machado, qui lutte dans la clandestinité pour la démocratie au Venezuela. Donald Trump, qui réclamait haut et fort cette récompense pour lui n’a pas cherché à cacher sa déception. Peut-être n’aurait-il pas dû humilier publiquement le président Zelenski dans le bureau ovale, accueillir chaleureusement Poutine en Alaska, promettre de bâtir une riviera de luxe dans la bande de Gaza, lancer la garde nationale dans la traque des migrants et la chasse aux contestataires ? Une autre question me taraude : quel aurait été le résultat si les cinq membres du comité norvégien, au lieu de délibérer longuement, à l’ancienne, avaient empoigné leur téléphone portable pour demander à Siri (Apple), Alexa (Amazon) ou Google Assistant de désigner le lauréat ?

L’Intelligence artificielle est partout : y compris dans ce billet pourtant garanti sans algorithme, contrairement à l’éditorial rédigé par ChatGPT qu’Éric Fourreau avait malicieusement glissé dans un précédent numéro de Nectart pour tester la vigilance de son lectorat. Pour les mondes de la création artistique, de la diffusion et de l’action culturelle, de l’éducation, de la recherche et de l’information, l’IA n’est pas qu’une ogresse anonyme, friande de cervelle fraîche, dévoreuse d’emplois, avaleuse de terres rares, gaspilleuse de mégawatts et patronne abusive de forçats du clic. Cette pourvoyeuse de solutions aux équations les plus alambiquées, dont les promoteurs proposent qu’elle remplace les traducteurs, sinon les auteurs, se substitue aux parents pour dialoguer avec leurs adolescents, voire, bientôt, pour promener le chien, s’avère aussi une prolifique productrice de « contenus » avalés par les tuyaux sociaux : déjà près de 20% des nouvelles références musicales quotidiennement accueillies sur Deezer (et vraisemblablement sur Spotify) ont été engendrées par des robots :