La grâce, encore et toujours

Un engagement citoyen
« Les buts de ma vie », un titre qui pourrait s’apparenter à 99 % des biographies consacrées aux footballeurs qui se prêtent à l’exercice après leur carrière. Dans le cas de Raí, le mot but revêt un double sens, car le capitaine de la Seleção championne du monde en 1994, s’en est toujours fixé d’autres que celui de propulser le ballon au fond des filets adverses.
Coécrit avec Rémy Fière, son récit revient sur sa tendre enfance de benjamin d’une famille de six garçons, dont les trois aînés répondent aux mythiques prénoms de Sócrates, Sófocles et Sóstenes. Raí déroule ensuite les coulisses de sa prestigieuse carrière et son passage à Paris, où il impose une marque indélébile avec le titre de meilleur joueur de l’histoire du club, décerné en 2020 pour les cinquante ans du PSG.
Aujourd’hui, Raí a soixante ans et il poursuit de nouveaux buts qui n’ont rien à envier à ses ailes de pigeon, têtes plongeantes ou talonnades en extension, qui inspireront le nom de son grand projet éducatif. À l’aube d’une retraite sportive qui approchait, il créa, avec son compère Leonardo, la fondation Gol de Letra le 10 décembre 1998 afin de donner aux enfants brésiliens la même éducation qu’aux siens. Les premiers fonds levés par cet organisme sans but lucratif permettent de construire rapidement des salles et des terrains de sport, des réfectoires, des bibliothèques et des salles de lecture. Gol de Letra applique la philosophie de Confucius : « Quand un homme a faim, mieux vaut lui apprendre à pêcher que de lui donner un poisson. »
En 2025, la fondation développe des projets dans une quinzaine de régions au Brésil, mais aussi en France et en Guinée-Bissau. Raí mène chaque jour de front de nouveaux combats, comme en témoigne cet extrait de sa tribune publiée dans Le Monde en 2021 et reproduite dans le livre :
« Le Brésilien que je suis, comme tant d’autres, se retrouve assiégé, en ces temps si sombres, par un double fléau dont les ravages ne sont que l’addition de nos propres errements collectifs. En plus de la “peste” biologique, cette épidémie si mal gérée qu’elle a provoqué la plus grave crise sanitaire de l’histoire de mon pays, nous subissons un autre mal, bien plus meurtrier à long terme. Un mal qui, diplomatiquement, nous isole, un mal qui, insidieusement, ronge l’Amazonie et persécute ceux qui la protègent. Un mal qui permet l’exploitation minière dans les réserves indigènes et préfère les troncs sciés aux troncs vivants… Un mal castrateur de libertés, qui menace la démocratie et fait renaître l’odieuse censure, favorise l’intolérance, l’homophobie, le machisme, la violence. En emprisonnant notre raison et notre bon sens, il nous détruit, pousse à la haine, se pose en ennemi des arts et de la culture, humilie notre conscience en niant la science. »
L’artiste Raí a obtenu un Executive Master de politique publique en français à Sciences Po en 2024 pour l’aider à inscrire ses nouveaux buts. La conclusion revient à Michel Denisot : « Il faisait beau le 26 août 1992 quand il a atterri à Paris, et il pleuvait le 25 avril 1998 quand nous avons quitté ensemble le PSG. Le soleil est vite revenu ! Il brille encore. »
Pascal Aznar
